domenica 26 agosto 2007

Le Figaro: "Maria Callas, la dernière diva"

Maria Callas la dernière diva

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Toute sa vie, elle s'est plainte d'avoir été exploitée par ses proches. D'abord sa mère, l'ambitieuse Evangelia Kalogeropoulos, puis son mari et impresario, Giovanni Battista Meneghini. Maria Callas serait sans doute déçue par le sort que lui réserve la Grèce, sa patrie, trente ans après sa mort. Avec son sens inné de la tragédie, elle piquerait d'abord une de ces colères dont elle avait le secret avant de se résigner dignement devant son malheureux destin. Comment ! La Grèce, sa patrie, n'a même pas été capable de lui consacrer un musée à la hauteur de son talent, de son art, de son renom ! Un lieu qui raconterait comment une jeune fille boutonneuse à la lourde silhouette et aux jambes velues, à force de travail et de volonté, est devenue LA diva. Non seulement la cantatrice la plus accomplie qui ait jamais servi l'art de l'opéra, mais aussi une des plus belles femmes de son temps. Un lieu qui ne raconterait pas, en revanche, comment cette artiste magnifique, prête à renoncer à sa carrière par amour, a été bafouée et humiliée par l'homme de sa vie, l'autre Grec le plus célèbre du monde, Aristote Onassis. Grecque, Maria Callas ne l'a été officiellement qu'à partir de 1966, quand elle espérait encore qu'Onassis l'épouserait. Pour de complexes raisons religieuses et procédurales, la nationalité de son pays d'origine facilitait son divorce d'avec Meneghini, ce mari italien qui avait soutenu ses débuts mais qui, au fil du temps, était devenu financièrement gourmand. Et encombrant, depuis le coup de foudre réciproque qui enflamma, l'été 59, la cantatrice et l'armateur. Au large des côtes de la Grèce, justement, que Maria avait définitivement quittée après la guerre, pour rejoindre son père aux États-Unis où elle était née en 1923. Américaine donc, La Callas est née, sur le plan artistique, en Italie, la Scala de Milan restant à jamais sa scène de prédilection. Mais, elle-même le répétait aux journalistes, Maria, la femme, était «profondément grecque». Et sans doute n'est-ce pas par hasard qu'elle vécut en Grèce, et avec un Grec, les moments les plus intenses et les plus heureux de sa vie de femme. Une jeune femme mal attifée avait quitté Athènes, armée de sa seule voix et de qualités de tragédienne mal servies par un corps de 95 kilos. Une sylphide, interprète puissante et fragile de Norma et de Madame Butterfly, est revenue quinze ans plus tard, sur le plus luxueux yacht du monde, (en compagnie de Sir Winston Churchill) savourer au large d'Athènes les fruits d'une célébrité et d'une beauté mondialement reconnues...


Un passé dont la capitale grecque d'aujourd'hui n'a pas gardé la trace. Le conservatoire où la jeune Maria travaillait sa voix huit à dix heures par jour est un bâtiment clos et vide. Avant la guerre, le conservatoire national et le conservatoire d'Athènes rivalisaient dans la formation de jeunes musiciens, le second étant d'ailleurs plus prestigieux. Âgée de 15 ans à peine, Maria n'y fut pas acceptée. Une déconvenue pour sa mère, déjà frustrée par la modeste carrière de pharmacien de quartier que son mari menait à New York. Elle estimait mériter mieux et, en 1937, divorça pour retourner vivre en Grèce une vie plus en rapport avec ses ambitions sociales et artistiques. Déjà à New York elle produisait Maria, gamine pomponnée et vêtue de robes à volants, supposée être une enfant prodige... Hélas, la famille, sur laquelle elle comptait pour financer la carrière de ses filles lui fit faux bond. Maria dut se contenter du conservatoire national, jusqu'à une petite prestation vocale qui la fit remarquer par la grande cantatrice espagnole Elvira de Hidalgo. Bloquée en 1939 dans la Grèce occupée par les Italiens puis les Allemands, elle est devenue professeur au conservatoire d'Athènes. À titre personnel, elle prit Maria comme élève et lui fit faire des progrès spectaculaires. Entre-temps la blonde et jolie soeur aînée de Maria, Jackie, séduit un jeune bourgeois d'Athènes qui installe toute la famille au dernier étage d'une grande demeure cossue de la rue Patission, aujourd'hui rebaptisée rue du 28-Octobre. Pourtant située presque en face du très visité Musée archéologique national, la bâtisse de cinq étages agrémentée de balcons sculptés s'écroule, mal consolidée par des échafaudages de bois. Pendant la guerre, dans Athènes occupée, manquant de tout, sa mère avait encore une fois usé et abusé de sa fille pour survivre. En organisant des récitals pour distraire l'occupant. Maria se produisait ainsi devant des officiers italiens et allemands, les distrayant de sa voix, peut-être aussi de ses charmes, selon certains biographes.

Plus tard, après son retour triomphal en Grèce à bord du yacht d'Onassis, sa présence a marqué d'autres lieux, plus en rapport avec sa notoriété et la vie mondaine qu'elle adorait mener en compagnie du milliardaire grec. L'épisode le plus magique de l'apogée grec de La Callas est sans aucun doute la légendaire représentation de Norma le 24 août 1960, dans le somptueux théâtre antique d'Epidaure. Là même où s'étaient joués les chefs-d'oeuvre d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide. C'était la première fois qu'on donnait un opéra dans ce théâtre du IVe siècle avant Jésus-Christ à l'acoustique unique au monde. Maria, déjà trahie à plusieurs reprises par sa voix, voulait être parfaite, consciente que, si elle ne remportait pas un triomphe dans sa patrie, l'humiliation retomberait sur Onassis. Les 20 000 spectateurs lui firent une ovation sans égale en dépit de quelques vibrations incontrôlées de sa voix. Et les critiques saluèrent «un miracle» de sensibilité dans l'interprétation. La Callas était sublimée par cet amour passionné et encore tout neuf éprouvé pour Onassis, pensait-on. En fait, la diva venait de vivre un drame, longtemps tenu secret par son entourage : la naissance et la mort, le même jour – le 30 mars 1960 – d'un petit garçon, Omero, conçu dès les débuts de leur idylle. Maria regrettera toute sa vie de n'avoir pas eu d'enfant, elle qui se faisait un idéal d'une vie de famille dans une belle maison, entourée de chiens.

Cela aurait pu être à Skorpios, splendide île du nord-ouest de la Grèce, acquise et façonnée par Onassis qui y bâtit la demeure de ses rêves. Le couple y séjourna parfois, s'y affronta souvent, jusqu'à ce qu'elle devienne la demeure officielle de la seconde Madame Onassis, Jackie Kennedy, qui ne s'y plaisait guère. Aujourd'hui propriété de la petite-fille d'Onassis, Skorpios serait à vendre, et Madonna serait très intéressée... En fait, c'est le Christina, véritable palace flottant, qui est le plus étroitement associé aux retrouvailles de Maria Callas et de la Grèce. Chaque été – quand Onassis, toujours marié à Tina, ne l'écartait pas afin de préserver certains invités chatouilleux sur la moralité –, Maria sillonnait la Méditerranée à son bord, de Monte-Carlo, son port d'attache, à Athènes, en passant par l'Italie. La croisière débarquait parfois dans de petites îles émerveillées de l'honneur que leur faisaient ainsi le milliardaire et la diva, qui poussée par son amant, chantait quelques arias devant des villageois. Dimitris Pyromallis n'a jamais oublié ce jour de l'été 1962, sur l'île de Zante. Accroché au bras de sa mère, le petit garçon de 4 ans qu'il était alors entendit la voix d'une des passagères d'un énorme yacht ancré au large de l'île s'élever au-dessus de la place du village... C'était La Callas bien sûr, dont la voix foudroya l'enfant. Un demi-siècle plus tard, Dimitris est un collectionneur passionné et un des meilleurs connaisseurs de la vie, professionnelle et personnelle, de La Callas. Sa dernière trouvaille est une photo inédite de la cantatrice, prise dans une maison d'Athènes vers la fin de sa vie. Elle n'est pas maquillée, ses cheveux sont retenus en arrière, très belle mais très éloignée de la créature mythique, très apprêtée, au visage rehaussé de bijoux somptueux et d'une coiffure parfaite, qu'elle s'appliquait à montrer au monde entier. Il l'offrira en septembre aux fans de La Callas qui, venus de toute l'Europe, se réunissent à Athènes chaque année à la date anniversaire de sa mort, survenue à Paris le 16 septembre 1977, après plusieurs années d'insomnies chassées à coup de somnifères puissants et de régimes à répétition.

Adulée par les Grecs de son vivant, Maria Callas était plus admirée pour sa beauté et sa réussite au sommet de la jet-set mondiale que pour son art. «Pour le Grec de la rue, elle a incarné la réussite et le glamour à une époque où la Grèce était pauvre, vidée de ses forces par les séquelles de la guerre», analyse Hélène Adamopoulou, directrice des archives de l'Opéra national, qui réclame l'ouverture d'un musée dédié, au-delà de La Callas, à l'art lyrique. Sans attendre l'hypothétique construction d'un nouvel opéra, censé être achevé dans huit ans. La musique n'est pas une priorité pour la Grèce, qui se consacre avant tout à la valorisation de son patrimoine architectural.

Àl'inverse de l'Allemagne ou de l'Italie, l'art lyrique est peu connu en Grèce, hormis dans les îles les plus proches de l'Italie. «Quand je parlais de Maria Callas à mes amis, ils la balayaient d'un revers de main, comme si sa carrière ne valait rien», raconte Dimitris, qui regrette que les autorités grecques n'aient pas suffisamment protégé le patrimoine lié à son idole. Les archives de l'opéra royal, où elle se produisit à ses débuts, recelaient quelques petits trésors, mais des employés peu scrupuleux ont subtilisé, pour les revendre, ce que les rongeurs n'avaient pas grignoté. Sans une initiative personnelle d'Hélène Adamopoulou, de nombreux documents s'abîmeraient encore dans des caves inaccessibles au public. La seule évocation muséiforme de La Callas résulte d'une action de mécénat d'une admiratrice, qui a financé deux salles vouées à la cantatrice à Technopolis, une ancienne usine à gaz récemment restaurée sur la route du Pirée. On peut y découvrir son écriture énergique, en italien, en français ou en grec. Beaucoup d'admirateurs à travers l'Europe voudraient, à l'image de Dimitris, léguer leurs collections à un musée Maria Callas qui, plutôt qu'en Grèce, pourrait voir le jour à Florence. Maria, la femme amoureuse, était grecque. La Callas, interprète inégalable de Bellini, Donizetti et Puccini, elle, était italienne.
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Belcantismo/Callasiano

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Maria Callas su OperaClick?
Proibito esprimere giudizi che non siano strettamente in sintonia con la "direzione artistica".

Franco Soprano su Maria Callas (1977):
http://it.youtube.com/watch?v=LskcV6ah8nk
http://it.youtube.com/watch?v=C9Rnw0nIr8s

Maria Callas/Sonnambula Bellini: "Ah, non giunge..." 1955, Bernstein, Scala
http://www.youtube.com/watch?v=jDDDRyYMkKc